LE MYTHE DE PSYCHÉ

(conférence du Dr Mouret)

Le mythe de Psyché a été mis par écrit par Apulée au IIe siècle dans l’histoire de l’Âne d’or. On ne peut comprendre cette conférence que si on a lu préalablement le mythe.

On peut le trouver aux Éditions Gallimard – Collection folio classique (p.110 à 151).

Psyché traduit le grec « psyché : yuc» »   qui désigne :

– le souffle, la respiration, l’haleine,

– l’âme de l’être vivant, c’est-à-dire ce qui l’anime, siège de ses désirs, de ses émotions et de ses pensées,

– l’être lui-même, en tant qu’individualité personnelle,

– la partie immatérielle et immortelle de l’être. II traduit l’hébreu nèphesh, qui désigne le principe vital, mais aussi la personne elle-même (Naphshi = moi-même).


Éros qui sera son partenaire, est le Dieu de l’Amour, dont les mythes les plus archaïques font un Dieu primordial, né en même temps que la terre et sorti directement du chaos primitif Ce n’est que plus tard qu’on en fera le fils d’Aphrodite, déesse de l’amour, identifiée à Rome avec la divinité italique Vénus. Le sens le plus archaïque est sûrement le plus fondamental. Éros est donc une divinité qui maintient la cohésion du monde par la force unitive de l’amour.
Aphrodite déesse de l’amour, paraît jalouse et violente. Cela ne va pas sans rappeler le texte biblique où le Dieu de l’alliance se présente lui-même comme un Dieu jaloux. (Exode 34,14 « Iawé s’appelle  » Jaloux « , car il est un Dieu jaloux »).

Le mythe n’a rien d’historique, même si parfois il peut s’appuyer sur quelques aspects évènementiels réels. C’est une structure vivante, a-temporelle, en train de se dire, qui nous parle des instances intérieures du psychisme dans une science du Sujet dont le but est l’Eveil à Soi, c’est-à-dire l’éveil à l’être, à la boudhéité, au corps glorieux ou à la vie éternelle, selon les vocabulaires, des traditions ou des religions.
L’enfant qui sera conçu dans Psyché (comme celui de Noël dans la crèche), au tout début du mythe, est une enfant divin, c’est-à-dire un niveau de conscience qui touche aux principes de l’être et qu’on appelle l’Éveil, qui résulte de la disparition de voiles qui, pour Psyché, seraient comme des nuages lui cachant un soleil toujours déjà là. Ces voiles de Psyché sont de deux sortes : l’ignorance et la curiosité. La curiosité, ici, pourrait être définie comme étant une connaissance que j’acquiers « pour voir », comme qui dirait « par curiosité », sans y avoir mis vraiment mon coeur, ma volonté, mon désir et tout mon être. Comme si je disais « j’aime quelqu’un… pour voir ce que ça me fait, » ou « ce que ça fait », mais sans m’y engager vraiment de tout mon être… on n’y mettant qu’un petit bout de soi. II s’agit alors d’une pseudo-relation, et on n’en obtient qu’une pseudo-connaissance, parce qu’on n’est pas vraiment dans ce qu’on fait, et dès lors Psyché blesse l’objet même de sa connaissance, et y prostitue ce qu’elle est, c’est-à-dire sa Beauté.


Il y a là trois sœurs :

1) la connaissance sensible qu’est la connaissance ordinaire. Elle a toujours son mari devant elle, c’est-à-dire le monde. Il s’agit de la vie affective, qui peut se prendre pour la piété.

2) la connaissance intellectuelle, qui a toujours son mari avec elle, la culture, et qui croit aimer parce qu’elle sait parler sur l’amour, et se croit dans l’être parce qu’elle sait en parler conceptuellement. Comme disait Pascal « ces gens qui croient aller au ciel parce qu’ils en ont beaucoup parlé ».

3) la connaissance spirituelle, qui commence par être une connaissance qui ne connaît pas son mari, qui est « l’être », qui est pour elle un mari sans visage, c’est-à-dire qu’elle ne le connaît pas lorsqu’elle se met en chemin vers lui.

La connaissance sensible et la connaissance intellectuelle peuvent s’approprier leur objet, c’est-à-dire leur mari, par simple curiosité. Ce n’est pas souhaitable, bien sûr, mais c’est possible, c’est par contre impossible pour la connaissance spirituelle, sinon il s’agit du moi-égotique, pris dans les filets imaginaires d’une idéologie philosophique ou religieuse, ce qui est loin d’être rare, et dont on a l’exemple dans la procédure de ceux qui, pour défendre Dieu ont mis à mort le Rabbi de Nazareth, ou, plus près de nous Jeanne d’Arc ou les Templiers, et bien d’autres…

Psyché, qui est tout autre chose que ce que nous appelons habituellement le psychisme va représenter la vie de l’esprit, que l’on peut définir de deux façons : « être une intelligence et volonté libre » (Jean Paul II) ou « vacuité -clarté-intelligence » selon Kalou Rimpotché (le Bouddhisme profond. Éd. Claire Lumière).

Psyché est l’image mortelle de la déesse de l’Amour. Elle-.en a la beauté, elle en est l’image, mais elle n’en a pas l’être, c’est-à-dire la ressemblance. (Comme on dit dans la Genèse, que l’homme est créé « à l’image, et à la ressemblance » de Dieu). L’image, c’est le programme inscrit, à l’état de potentialité, la ressemblance c’est le fait d’avoir activé et réalisé ce programme. Il va falloir que l’image participe réellement, par un éveil de conscience, à la
réalité dont elle est l’image, c’est-à-dire à la nature archétypale, dite aussi nature divine. Telle est la destinée de l’âme humaine, voilée par l’ignorance de sa propre nature. Pour cela il faudra que Psyché devienne amoureuse de l’amour et, comme Vénus, « mère de l’amour ». La jalousie de Vénus c’est l’écart entre la Beauté et l’Amour, et cet écart est un déchirement du réel, l’illusion d’une beauté coupée de l’être, c’est-à-dire une brisure dans l’unité de l’être, car dans l’Être, Amour et Beauté sont un. Et c’est lorsque la belle Psyché sera effectivement une avec l’amour, c’est-à-dire épousée, que la jalousie de Vénus cessera, parce qu’elle lui sera devenue semblable. C’est la séparation de la Beauté et de l’Amour qui est illégitime pour la mère de l’Antique nature. Et c’est l’itinéraire qu’il faut parcourir pour combler cet écart qui sera raconté dans les 4 épreuves du mythe. C’est bien la même jalousie qui caractérise le Dieu de l’Alliance dans l’Exode (34). Il y a donc deux sortes de jalousie : une jalousie de l’être qui veut nous rendre capable d’être, et une jalousie perverse, la jalousie ordinaire, qui tend à nous empêcher d’être ce que nous pourrions être, qui sera celle des deux sœurs de Psyché, jalousie qui veut détruire par un désir mimétique, c’est-à-dire diabolique, (diabolos = qui se met en travers), comme l’explique René Girard dan ses thèses bien connues sur le désir mimétique.

Lisons le mythe… (ceci est fait de façon résumée pendant la conférence)…

Au départ, Psyché, avec toute son éclatante beauté, ne recueille aucun avantage de son charme, et reste à pleurer sa solitude car tout le monde l’admire, mais personne ne demande à l’épouser. C’est que, par sa nature spirituelle, elle n’est pas en correspondance avec les attentes mondaines ordinaires et ne peut participer à la vie du monde. Aussi, c’est par un oracle d’Apollon, qu’on apprend qu’il faut qu’elle soit exposée au sommet d’un mont sur un rocher escarpé, pour un « hymen funèbre» (parce qu’il va y aller de la mort de son « égo ») et là, Zéphyr prenant Psyché « effrayée, tremblante, en larmes », la prend d’un souffle caressant et l’emporte au dessus des pentes rocheuses d’une profonde vallée, pour la déposer sur un gazon fleuri, près d’un bosquet planté d’arbres élevés et fournis, près d’une fontaine transparente comme cristal, devant un palais construit par un art sublime.

Là, Psyché entend des voix sans corps, et sent son mari qu’elle ne voit pas. Tous ces traits décrivent le passage du monde visible des sens, au monde invisible de l’esprit, par ce qu’on pourrait appeler une « Mort au vieil homme… pour que naisse un homme nouveau ». C’est incompréhensible pour la Psyché sensible, et c’est même monstrueux ! Le passage dans le monde insensible de l’esprit n’est pas le mariage de la sensibilité avec l’intelligence discursive, qui admire la beauté sans pouvoir l’épouser : le mythe nous invite à des catégories de l’âme qui ne relèvent pas de sa vie dans le monde sensible des apparences. Psyché a franchi le seuil de connaissance du réel invisible, ce réel invisible est son époux divin, c’est-à-dire son mariage, non plus avec le paraître qu’ont épousé ses deux sœurs, mais avec l’être qui la soutient dans son existence, mais il la soutient de nuit, sans qu’on puisse le voir.

Il s’agit d’une connaissance de présence, qui passe la connaissance sensible et la connaissance intellectuelle. C’est l’état de présence à l’archétype. Éros la mettra en garde contre tout retour en arrière qui serait un rabattement de la connaissance de présence sur la connaissance de culture, c’est-à-dire sur un savoir livresque.

Les sœurs, qui n’ont pas accès à cette réalité vont en devenir envieuses et jalouses, ne pouvant supporter ce qu’elles ignorent, et enclencheront dénigrement, exécration ou haine : « la vie spirituelle, c’est du vent ! c’est de la névrose ! un mécanisme compensatoire ! la peur de mourir ! de l’obscurantisme! une pensée magique pour demeurés mentaux ! ça sert à rien ! etc. » Ces sœurs ne peuvent qu’imaginer ces choses, et lorsqu’on est dans l’imaginaire mental, Éros, l’Amour véritable s’en va ! Et l’âme est rappelée alors à la vie commune et à l’expérience ordinaire de tous.

Devant les attaques de ses sœurs « que ton mari est inhumain ! et donc monstrueux ! » Psyché oublie tous les avertissements de son mari. Ceci nous rappelle la raison de la chute d’Ève dans le mythe de la Genèse « Dieu dit à la femme « qu’as-tu fait là? » — et la femme répondit « c’est le serpent qui m’a fait oublier ! » (que l’on traduit ordinairement de façon erronée par « m’a trompée »). (la vérité en grec se dit « a-letheia = le non-oubli »). C’est ainsi qu’Ève perdra aussi la jouissance de la présence à l’être, exclusion par soi-même du Réel de la connaissance pour la réalité des connaissances.

L’oubli (des lois de l’être, c’est-à-dire du Dharma, ou de la Torah) est la cause formelle de la chute. C’est pourquoi il faudra une écoute nouvelle pour réintégrer la voie du rétablissement. Être spirituel, ce n’est pas fréquenter des lieux de culte en pensant à des choses pieuses, ni en construisant des concepts théologiques abstraits bien agencés, mais c’est la découverte de la prégnance de l’être, dont la beauté est la saillance, comme en physique on parle de champs et de particules. On ne peut être spirituel que dans la beauté qui se découvre « Beauté de l’être » et non « Beauté de ceci ou de cela » ou « ma propre beauté ». Psyché est l’épiphanie involontaire, car cela lui est donné, de la beauté de l’être, et c’est à lui qu’elle doit s’unir pour devenir comme Vénus et être divinisée.
(Signalons ici, que dans le mythe de Lucifer, le plus beau des anges, celui-ci se dissociant de l’amour, a aussi perdu sa place dans l’être, cette perte étant comparée à une chute de l’être dans les abîmes du « non-être ».)
Éros vient de nuit, quand Psyché repose, c’est-à-dire quand la connaissance sensible est abolie. Pour pouvoir être unie au divin, Psyché devra être divinisée mais elle ne pourra pas être unie à Éros en ne le sachant pas.
Psyché doit devenir amoureuse de l’amour, et cela dans la contemplation d’Éros et dans les examens des armes de son mari. En se piquant à une flèche de son carquois elle perd quelques gouttes de sang et devient ainsi concrètement, et pas conceptuellement, amoureuse de l’amour, par une blessure, par une brèche, qui fait effraction dans son enveloppe de peau, close sur elle-même si on peut dire
Psyché a blessé l’objet de sa connaissance par sa curiosité, et celui-ci du coup s’en va. Alors commence la quête véritable.

On avait vu que la jalousie pouvait avoir deux aspects : celle de Vénus, qui veut rendre Psyché participante de l’Être, par le mariage avec Éros, et celle de ses sœurs qui veulent la remplacer imaginairement. Les sœurs donc se rendent au fameux rocher, et, bien que ce fut un autre vent qui souffla, celui de l’exaltation du moi-égotique et de l’illuminisme, aveuglées d’un espoir fou elles s’élancent dans le vide où elles vont à leur autodestruction car il n’y a là qu’inanité imaginaire et rien pour les soutenir, d’où les voilà roulant sur les saillies du rocher (les lois immanentes à l’être) les chairs dévorées par les oiseaux et les fauves.
(Ceci rappelle la deuxième tentation de Jésus au désert où il est invité à se jeter du haut du Temple, puisque des anges le porteraient sur leurs mains ! On nous dit qu’ensuite les anges, les oiseaux ! et les fauves le servaient).

Éros envolé, Psyché le cherche partout, mais en vain, et finit par arriver chez Vénus, qui va lui donner quatre épreuves qui permettront finalement à Psyché d’être sauvée par Eros « dévoré nous dit-on, d’un amour sans mesure ».

La 1re épreuve consiste à trier un monceau de semences mêlées (blé, orge, mil, pavot, pois chiches, lentilles et fèves mélangées) en un seul tas.
Une petite fourmi, appelant et convoquant toute la troupe des fourmis du voisinage va régler le problème en classant les graines par espèce.
Il s’agit là du travail de la rationalité qui classe, range, différencie, distingue, travaille. C’est la raison programmante et programmable. Travail d’Animus et du bouddha de méditation Amitabha, au clair regard discriminateur, qui correspond à la sagesse analytique et à discrimination.

La 2ème épreuve consiste à aller chercher un flacon de la toison précieuse de brebis féroces qui ont l’éclat de l’or véritable. Les brebis féroces sont la libido ordinaire et grégaire qui dévore toute l’énergie psychique de l’homme et le tue en tant qu’être spirituel. Quand cette libido est justement sublimée, le fruit en est la toison d’or, c’est-à-dire une organisation psychique purifiée des projections, des fantasmes, des complexes névrotiques, avec leurs cortèges d’avidités, d’envies, d’angoisses et autres pollutions imaginaires. Psyché a écouté ici la voix d’un roseau verdoyant qui lui a expliqué qu’on ne pouvait aborder ces brebis que lorsque le soleil de l’après-midi aura adouci ses ardeurs et que .le troupeau reposera tranquillement, c’est-à-dire que la libido donnera une perception paisible de la réalité, dans un vivre simple et joyeux, donnant pour vêtement d’une structure psychique pure, c’est-à-dire sans mélange, une anima purifiée, qui correspond au bouddha de méditation Ratnasambhava, la sagesse de l’identité des êtres. Ainsi nature et culture sont-elles remises en ordre, et le « corps psychique » apte désormais à accueillir le « corps spirituel ».

La 3e épreuve est plus difficile : « de la cime d’une montagne escarpée sort l’eau sombre d’une noire fontaine », Psyché doit aller en puiser dans un petit flacon de cristal taillé. Un aigle vient lui porter secours, « Eh bien, petite simplette ! ignorante de ces sortes de choses ! espères-tu pouvoir dérober ne serait-ce qu’une goutte de cette source aussi sainte que terrible, ou même seulement l’atteindre ? »

L’aigle symbolise la capacité de l’esprit humain à connaître les choses par « en haut », c’est-à-dire à partir des archétypes, et non par abstraction et formulation de concepts comme dans la connaissance scientifique ordinaire. C’est ajouter à la connaissance aristotélicienne la connaissance à partir des raisons d’être des choses, c’est-à-dire des essences, ce que Platon appelle les Idées. Non plus l’intelligence qui vient du latin inter-legere, je lis « entre », dans le comment » des choses, entre les causes et les effets (la science) mais l’autre face de
l’intelligence, qui vient de intus-legere, je lis le « dedans » des choses, le  « pourquoi », leur raison d’être. Pourquoi y-a-t-il plutôt qu’il n’y aurait pas ? C’est l’intelligence qui porte sur ce qui est derrière la physique, c’est-à-dire la méta-physique. Mais pas une méta-physique livresque ou conceptuelle, mais une méta-physique expérientielle appelée connaissance anagogique, issue du travail de la contuition : c’est la capacité contemplative ordonnée à la connaissance archétypale à partir de formes sensibles des minéraux, des végétaux, des animaux, des parties du corps humain et des corps géométriques (notamment des 5 corps platoniciens). Il s’agit de cette partie de la Psyché que les latins appelaient le mens ou intellectus, et les grecs le noûs. Elle correspond au bouddha de méditation Akshobya, la sagesse semblable au miroir, qui contemple dans le monde d’en bas les réalités du monde d’en haut.


Vient enfin la 4e épreuve. II s’agit de descendre aux Enfers. Enfers des pulsions archaïques, des peurs de dévorations orales ou psychotiques, des ombres démoniaques, des inflations narcissiques, des haines destructives, des égos titanesques, des avidités insatiables, etc. Non pas en se dédoublant ou en planant en astral (« si ton âme est séparée de ton corps, dit la Tour, tu ne pourrais pas revenir du Tartare ») mais en descendant neuro-végétativement, psycho somatiquement, dans les engrammes des profondeurs de la Psyché ! (1) C’est une Tour qui lui indique le parcours, ainsi que les pièges. C’est la Tour du veilleur, de l’éveillé, prêt pour les ultimes combats et cheminements spirituels, (tel, dans la Bible, Yérubaal en Juges 6, 32).


La dernière épreuve reprend et récapitule plusieurs fonctions déjà mises en place en les ordonnant à cette dernière et quatrième action qui est comme la mise en place d’un char à quatre roues, ou d’un trône à quatre pieds :

― préparer 2 galettes de farine et de vin (élaboration d’une parole sociale et spirituelle) ainsi que 2 pièces de monnaie (savoir manier le sens littéral et le sens symbolique).
― ne pas répondre aux sollicitations d’un âne boiteux (le corps biologique) d’un vieillard aux mains pourries (la sagesse mondaine) et de vieilles femmes qui tissent une chaîne (des compulsions de répétition). C’est-à-dire « qu’on ne met pas de vin nouveau dans de vieilles outres », ou « des pièces neuves à un vieux vêtement » : à connaissance nouvelle, nouvelle épistémè !

― payer le tribut d’un chien à trois têtes, image de la culture ambiante, qu’il convient de respecter dans son ordre (c’est l’homo-socius) mais sans plus.

Arrivée auprès de Proserpine, « assieds-toi par terre et demande du pain grossier  ». S’asseoir par terre, c’est poser son fondement au contact immédiat des formes archétypales et matérielles, sans médiation culturelle.

Le pain grossier signifie que tout peut servir de nourriture pour l’esprit : la vase, l’égout, le fumier, autant que la rose ou le diamant. Psyché réalise très exactement tout ce que la Tour lui a dit.

Mais la recommandation principale, celle du bouddha de méditation Amoghasiddi, la sagesse toute accomplissante, était celle-ci « ne pas ouvrir la boîte que tu porteras pour examiner le trésor de la divine beauté qui s’y trouve caché ». Or,  une curiosité irréfléchie s’empare d’elle : « Me voici, dit-elle, qui porte comme une sotte la beauté divine, sans en prélever la moindre parcelle pour plaire à mon amant ! ». Mais dedans, elle ne trouve qu’un sommeil de mort qui s’empare d’elle et la plonge dans une léthargie qui la laisse comme un cadavre endormi. C’est le désir de la beauté qui s’empare de la beauté. Elle désire ce qu’elle est déjà ; c’est le bouclage du désir mimétique sur lui-même, et c’est la mort de l’être. Seul l’amour peut désirer la beauté, et non la beauté se désirer elle-même. La beauté ne peut se connaître que comme beauté de l’être. L’ultime épreuve de Psyché est de comprendre que la beauté n’a pas de fondement en elle-même. La beauté n’a pas d’être, elle est pure saillance (la splendeur) d’une prégnance qui est l’être, lui-même fait d’Amour et de Vérité.
Psyché veut prélever un peu de la beauté divine pour plaire à l’amour. Mais dans une curiosité irréfléchie car l’amour aime sans qu’on ait besoin de lui plaire. Il n’y a pas à plaire à l’amour pour qu’il aime ! Quand on dit que l’être lui-même est fait d’amour, cela veut dire que l’être est relation et que la relation est première. Et effectivement c’est bien elle qui nous fait être (ne serait-ce que la relation sexuelle de nos parents !) De même on dit dans le christianisme de l’Être SurEssentiel qu’IL est Amour parce qu’il est Relation (d’engendrement et de procession).
II est trois Relations Subsistantes, que l’on a appelé « Personnes » (mot qui n’a pas bien souvent le sens qui convient, qui est celui que nous donnons ici).


Éros accourt, éponge ce sommeil de mort, réveille Psyché en la piquant d’une de ses flèches, et l’emporte dans l’Olympe où Jupiter lui fait boire la liqueur d’ambroisie qui donne l’immortalité et ainsi on put célébrer selon les règles (du Dharma et de la Torah) les noces d’Éros et de Psyché.

Il leur naquit une fille « Volupté » (béatitude, Félicité, Corps glorieux, ou Sambhogakaya). Il s’agit de la participation de l’humain total, corps et esprit, à l’Être, et Vénus danse, gracieusement, comme Machikma, la Grande-Mère, à la fin de la Puja de Tcheu.

Résumons nos quatre épreuves :

― fortifier la rationalité ;

― purifier la perception des projections fantasmatiques et des voiles de l’imaginaire ;

― s’éveiller à la capacité contemplative de la connaissance anagogique, par la contuition des archétypes, des principes et des essences ;

― saisir le fondement réel de la Beauté comme saillance de:

l’Amour- Qui-Fait-Vivre.
Les derniers voiles disparaissent dans l’Éveil complet de l’évanescence du Beau.

(1) le V.A.K.O.G.de la Programmation Neurolinguistique