Contrairement à l‘animal, l’homme ne naît pas achevé.
Certes, l’être humain peut se contenter d’exister comme un animal, réaliser sa croissance biologique, apprendre un langage et des comportements, satisfaire ses instincts et jouir de son existence. Mais l’homme a le potentiel de réaliser un programme plus ambitieux : devenir homme c’est prendre conscience que la vie a un sens et accepter d’appliquer son intelligence et sa volonté à le découvrir. Cette ouverture au sens accomplit l’homme dans sa plénitude.
La maîtrise de soi, le dépassement, le sacrifice bien compris ont pour seul objectif de s’ouvrir à la finalité de l’être humain.
Nous comprenons mieux alors ce que sont l’essence et le but de l’écoute, c’est-à-dire donner une ouverture à des niveaux de sens plus élevés. Il s’agit, pour celui qui est écouté, et bien souvent aussi pour celui qui écoute, d’accéder au sens, en étant aidé à reconnaître les enseignements de l’expérience.
(sens = signification), pour choisir sa propre orientation
(sens = direction), sans se couper de sa sensibilité les cinq sens et le sixième.
Ainsi conçue, l‘écoute est initiatique. C’est un questionnement qui met sur le chemin d’une recherche personnelle et qui ouvre à la parole qui donne sens. C’est pourquoi l‘écoutant n’est pas toujours muet.
Ecouter c’est, entre autre, aider l’autre à prendre de la distance par rapport à ses conditionnements dans un acte qui est inhérent à la liberté essentielle de homme et qui fonde sa dignité.
En plus, des liens affectifs et des injonctions parentales bien connues des thérapeutes, il faut être attentif aux implicites qui fondent les raisonnements. Par exemple dire à un enfant : fait d’abord ton travail tu t’amuseras ensuite, c’est lui transmettre de manière inconsciente que le travail n’est pas amusant, et, devenu adulte il aura en permanence cette référence dans sa propre manière de penser.
Il est très difficile de se débarrasser de toutes ces entraves et de tous ces présupposés, pour accéder à une pensée autonome et s’éveiller au sens de la vie humaine dans sa plénitude.
Dès lors, l’écoute est nécessairement à plusieurs niveaux comprendre ce que dit l’interlocuteur, mais surtout pourquoi il le dit, c’est à dire le comprendre lui-même.
Une telle démarche est proche de celle que pratiquait Socrate, l’écoutant par des questions permettra d’ouvrir la porte à une prise de conscience.
Il laissera chacun élaborer son pain, c’est à dire sa propre parole, à partir de la moisson qui lève en lui-même. Il aidera seulement à nettoyer l’ intellect de toutes les poussières des discours anciens et à fabriquer les filets pour que chacun aille pêcher son propre sens
roulette en ligne
L’écoute n’est donc nullement affaire de savoir, il est des thérapeutes formés à l’écoute qui ne font que poser des diagnostics et appliquer des modèles. Il n’ont pas à faire à une personne mais à un cas typique de….. A l’inverse, certaines personnes sans instruction sont aptes à écouter, comprendre et poser la question ou faire le commentaire qui met sur le vrai chemin.
Si celui qui se confie ne reçoit que des explications savantes, il comprendra mentalement ses limitations et cette compréhension n’aura aucun effet sur sa manière de vivre et sur ses actes. Elle ne passera pas de l’intelligence à la volonté. Bien plus, elle risque de constituer un filtre supplémentaire à sa grille d’interprétation et une incohérence de plus entre son savoir et l‘utilisation qu’il en fait. Un savoir qui ne correspond ni à l’expérience de celui qui le reçoit, ni à la redécouverte du raisonnement qui le fonde, il est creux comme des ossements desséchés.
Un autre danger pour l‘écoutant est de prodiguer trop vite, à partir de ce qu’il a perçu, des conseils pratiques ou relationnels éventuellement efficaces, mais qui font de l’homme un objet et non un sujet. Il est légitime de faire coexister écoute et efficacité, mais il faut faire attention de ne pas confondre finalité et moyen. Dans le cas de l’insertion sociale par exemple ce n’est qu’un moyen.
Confondre le cheminement personnel d’un être et la performance socioculturelle du conseil, c’est se condamner à rester dans la confusion des valeurs et le mal-être du non sens. Dès lors, celui qui est écouté ainsi ne risque guère de donner sens à son travail, à sa vie, au delà de son intérêt matériel ou de son plaisir immédiat.
De toute façon l’écoutant ne pourra jamais accompagner personne plus loin qu’il n’est allé lui même, non pas dans le savoir des livres et des enseignements, mais dans son vécu et dans ce qu’il a su en retirer.
La qualité de son écoute est liée à ce qu’il a perçu de la condition humaine, au cours de sa propre quête du sens, elle dépend du degré de libération et d’éveil auquel il est parvenu. Celui qui s’est donné pour finalité de réussir socialement, sur le plan professionnel et familial, pourra écouter et conseiller au niveau de l‘intégration sociale. On ne peut guère attendre de lui qu’il aide l’écouté à prendre possession de sa vie et de sa propre finalité.
C’est pourquoi l’enseignement de l’écoute est si difficile Il ne s’agit guère de connaissances déductives et utilitaires, dont rêvent les sciences humaines. Certes, il est possible de conseiller rationnellement quelqu’un sur la manière de gérer son existence, de se débrouiller dans la vie, bref de mener une vie d’animal social.
Si on se fait une idée plus haute de la mission de l’homme, et du rôle de l’écoute, il sera nécessaire de retrouver une véritable réflexion philosophique et anthropologique sur la nature, la place et le sens de l’homme.
Il faudra acquérir, aussi, la capacité à regarder la vérité des hommes et des choses, en leur étant vraiment présent. Il n’est pas étonnant que beaucoup d’écoutants soulignent tout ce que leur a apporté la contemplation de la nature pour développer leurs facultés d’écoute. C’est certainement une voie pour se relier à ce qui nous entoure et pour percevoir la beauté et l‘intelligence dont témoignent les lois et chaque forme du monde.
Celui qui écoute doit être dans une démarche d’humilité celle-ci se référant à la fois à « humus » de la terre et à notre humanité.
Aider l’autre à trouver sa place d’homme c’est aussi l’aider à se détourner des vanités individuelles et sociales pour retrouver l‘émerveillement face à la nature, dont il fait partie.
Emerveillement que l’on éprouve en méditant la poésie et l’enseignement profond des mythes primitifs, ou en découvrant les équilibres et les découvertes révélées par les sciences, ou encore en regardant les fleurs, les arbres, une rivière ou les splendides images du cosmos que nous livre les technologies actuelles.
COPYRIGHT- reproduction autorisée sous réserve de l’acceptation de l’auteur.