Remonter aux sources du bouillonnement de la violence exige de se pencher sur le rôle du comportement individuel. Pris isolément chaque acte de violence nécessite une explication complexe.

Les concepts d’attachement (de lien) et de séparation font partie des éléments de base de la compréhension de la violence.
L’attachement à ne pas confondre avec la dépendance, est le besoin instinctif ressenti par tous les mammifères d’être proche ; il fait naître un sentiment qui agit sur les plans physiques, psychiques et peut-être même sur le plan spirituel.
L’attachement se concrétise par la création de liens avec des êtres vivants et des buts. Tous deux sont importants puisque leurs conséquences sont à la fois différentes et complémentaires.

Tout attachement à une fin et emmène à une séparation qu’il s’agisse d’une heure ou de nombreuses années de vie commune .La séparation conduit au processus de deuil et lorsque le deuil est fait, il y a possibilité de recréer un nouvel attachement. Ce processus fait partie de la vie.
Cependant il peut y avoir des interruptions dans ce processus, la personne peut avoir des difficultés à créer des nouveaux liens par peur d’une autre séparation, qui va être vécu comme un nouvel abandon, et pour l’éviter, la personne va se détacher, devenir distante, dure, plus en contact avec ses besoins et ses émotions. Un sentiment de solitude se développe qui peut alors faire naître de la violence, de la déprime, des maladies psychosomatiques.
L’interruption du processus d’attachement peut également advenir au niveau du deuil, soit parce que celui-ci n’est pas fait, soit il y a blocage dans cette étape, révolte, protestation….et la colère ne peut pas s’exprimer .


Causes de la Violence

Dans l’histoire des personnes violentes, on retrouve souvent des pertes importantes survenues au cours de la petite enfance, ou autre facteur.
• Mort d’un ou des parents
• Séparation avec la personne nourricière
• Abandon réel entre 18 mois et 3 ans
• Avoir un passé de violence
• Vivre des problèmes d’abus de substances psychotropes, problème d’alcoolisme.
• Souffrir d’une maladie mentale grave dont les symptômes n’ont pas été correctement identifiés, ni suivis par une thérapie appropriée.

Sur le plan individuel, dans le présent état des connaissances, il demeure difficile de prévoir si un individu correspondant aux points cités précédemment, va devenir violent.
Le détachement, le manque de lien, est une cause qui peut engendrer un acte de violence.
La personne violente ressent un sentiment profond d’abandon et de solitude, la violence va représenter pour elle une tentavive désespérée de créer un attachement, de rester en relation coûte que coûte.
Relation physique, contact, stimulations sensorielles, pour un court instant, plus de sentiment de solitude ou d’abandon, un certain réconfort.
Des recherches en direction de différentes cultures mettent en évidence la relation qui existe entre le niveau de violence d’une société et l’importance du toucher vécu dans la petite enfance.
Les cultures les plus violentes sont celles ou l’enfant ne peut créer des liens et ou son comportement est sanctionné par une absence de chaleur et châtiments corporels répétées.


La dynamique des émotions

Le processus d’attachement est conduit par les émotions et non par une démarche intellectuelle.
Les émotions se développent en 4 phases :
-La phase de construction de l’émotion lente ou rapide
-La tension : l’énergie est retenue dans le corps (ce moment de rétention peut-être court ou durer des années)
-La décharge : l’énergie sort, la tension diminue
-L’apaisement, phase de résolution de l’émotion.


Manifestations des principales émotions

La colère, provoque une vasodilatation le visage devient rouge, si la personne ne se donne pas le droit de la décharger elle restera au niveau musculaire, voire viscérale et peut ainsi entraîner un stress corporel pendant des années.Il est donc utile que la colère s’exprime, mais sans mettre en danger la personne qui la vit et son environnement.

La tristesse donne une sensation de nœud, atteint la gorge qui se resserre, puis arrive aux yeux pour se décharger par les larmes.
Une façon de gérer sa tristesse est de lever l’interdit des larmes ; d’autant que celles-ci sont remplies de tristesse donc composées à 90% de substances biochimiques toxiques.

La peur est une émotion qui contracte au niveau musculaire et vasculaire et qui stimule le processus Attaque/Fuite.
Le visage devient pâle « blanc comme un linge » c’est la plus dangereuse des émotions car la violence qui en découle est considérable, de par son imprévisibilité et sa force.
La peur est une des émotions les plus importantes à identifier et à gérer pour permettre le processus d’attachement. Le réconfort la protection la création de liens sont des attitudes déterminantes pour apaiser ce sentiment.

La joie est une émotion forte et cicatrisante dans un processus de souffrance. Elle donne envie de sauter danser, chanter et développe des endorphines euphorisantes dans l’organisme.


L’expression de la violence

De quelle violence parlons nous ici ?
Il s’agit d’une part de la violence directe, verbale et physique, et d’autre part dans un sens plus large celle provoquée par un intervenant (soignant, parent, policier, juge,chef etc.…) qui provoque une réponse violente, et peut se traduire de différentes manières :

• Par une attitude de désintérêt d’un soignant qui se sent épuisé professionnellement et dont l’indifférence traduit le découragement le ras le bol.
• Ignorer ou ne pas répondre à une demande et témoigner ainsi le rejet.
• Dans la manière de communiquer, user de son pouvoir pour se montrer plus fort que l’autre avoir un ton de voix autoritaire et blessant : « je sais ce qui est bon pour vous ».
• Dans une dynamique de groupe utiliser le groupe pour projeter ses propres émotions.
• Dans une organisation ou bureau lorsque les papiers deviennent plus importants que les personnes, celles-ci se sentent considérer comme des choses et non comme des individus à part entière.

Il est important d’aider les personnes violentes à prendre conscience qu’elles sont dans un processus de deuil.
Sur les bases par exemple des travaux d’Élisabeth Kubler-Ross qui a développé dans son enseignement les étapes liées à ce processus :
• Le déni qui est le refus la réalité
• La protestation accompagnée de la colère et tentative de recréer le lien
• la tristesse la souffrance sentiment de douleur dans le coeur face à la séparation
• La peur d’être abandonné
• La rationalisation, le marchandage qui fait appel à l’utilisation d’arguments logiques. C’est l’acceptation au niveau psychologique.
• Créer un nouvel attachement, c’est le sentiment de bien-être et trouver dans la création de liens nouveaux.
• Le pardon il s’agit d’une détente profonde qui créé un état d’esprit nouveau et la capacité de dire « adieu ».
• La gratitude, ce sentiment vient de la profondeur de la personne, il est bon et cicatrisant, et permet la reconnaissance. La personne découvre l’aspect positif de cette expérience de souffrance.

En tenant compte de ce cadre de référence, et du processus d’attachement quelques observations peuvent être faites.

-La personne violente est souvent détachée, sans lien
-Elle voit l’autre comme un objet et non comme une personne
-Cet autre est chosifié, ainsi l’acte de violence peut être accompli (ce comportement s’observe chez les terroristes qui sont dans un détachement vis-à-vis de leur victime).
-La personne se sent vulnérable à la manipulation ayant été elle-même manipulée dans son enfance.

De surcroît lors de l’incident violent quasiment le même processus se manifeste pour la personne agressée, qui se doit d’agir pour protéger son intégrité, cherche à se défendre, et souvent cela aboutit à l’escalade de la violence.

L’importance du lien (dans le cadre par exemple d’un centre de soins)

Il apparaît donc essentiel, quand on est en contact avec une personne violente de la traiter comme un être humain et de se présenter soi-même comme une personne, dans le but de créer un lien qui va permettre de désamorcer la violence.

Ceci peut être fait de différentes manières.
Se présenter par son nom et sa fonction. nommer éventuellement la personne par son prénom, ou en tous cas lui demander si cela lui convient
S’intéresser et lui demander quel est son besoin immédiat
L’écouter, et lui transmettre notre désir d’être disponible
Parfois il est possible de donner son propre ressenti, d’exprimer son émotion, mettre des mots « vous m’inquiétez, je n’arrive pas à vous aider ».
Il est important également d’identifier le niveau de lien, et l’émotion dans laquelle se trouve la personne violente.

Toute stratégie de la gestion de la violence se doit de tenir compte des facteurs suivants.
• Qui est cette personne, comment va-t-elle manifester sa violence, dans quelle partie du corps apparaissent les tensions, y a-t-il de la colère, de la peur. Son comportement est-il un appel à l’aide, une tentative de re-créer un lien
• Quelle est la nature de la crise, celles-ci peuvent être d’origine différente et avoir des manifestations différentes. Selon le lieu où est se produit et la manière dont elle se traduit, violence dans la rue, dans le milieu scolaire, à l’hôpital, terrorisme…..
• L’environnement, en public entre plusieurs personnes, la stratégie d’intervention sera différente selon qu’il y a public ou non.
• Connaître nos propres ressources, serons-nous capables d’intervenir, où en sommes-nous avec nos émotions. Sommes-nous lucides sur nos propres peurs notre propre violence, pouvons-nous faire face à cette situation ?

La gestion de la violence et du conflit ne peut s’appuyer que sur une négociation, que ce soit dans le cas extrême d’une prise d’otage, ou plus banalement et ceci est courant de nos jours dans une unité de soin, à l’école, au bureau…..

Toute institution se devrait de former son personnel, les problèmes croissants de la violence ne se posant plus tels qu’ils étaient dans ces dernières années.


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